J’aurais pu intituler cet article : « la démocratie de mes couilles »…

… mais d’une : je n’en ai pas,

et de deux : en tant que représentante de la fonction publique et donc de l’Etat, jamais je ne m’abaisserai à m’exprimer dans un langage aussi châtié et vulgaire.

Enfin…

Sais-tu Lectrice, Lecteur, que depuis quelques semaines j’ai l’insigne honneur d’occuper la fonction de directrice d’école ?

Eh oui... après dix-sept ans dans l’Education Nationale et une solide formation aux spécificités de ce poste qui diffère vraiment de celui d’enseignant, on m’a estimée apte à remplir les missions diverses, variées et absolument indispensables au bon fonctionnement d’une école et on a donc remis entre mes mains la gestion quotidienne de l’accueil de 84 enfants, leur sécurité,  la coordination de l’équipe pédagogique, la communication avec notre indispensable partenaire : la mairie et celle avec nos non-moins indispensables parents d’élèves. 

Non, j’déconne. 

En fait, ma directrice est en congé maternité, aucune de mes collègues n’a voulu ou pu faire l’intérim et c’est donc tombé sur Bibi. 

On m’a dit :

« T’inquiète tu vas gérer !

Et on va t’intégrer à la formation des nouveaux directeurs et directrices ! »

Et en réalité, c’est ma directrice qui, dès qu'elle a su qu’elle était enceinte, a fait des listes et des listes de tout ce qu’il faudrait faire, comment le faire, où chercher les infos, c'est elle qui a passé une journée entière avec moi au mois d’août pour me « former », elle qui s’assoit du coup sur sa prime de direction… prime qui, jusqu’à présent, n’apparaît pas pour autant sur mon propre compte en banque, mais je ne dois pas m’inquiéter : c’est l’Éducation Nationale... ça peut prendre du temps ces choses-là...

La réalité c’est que des directeurs et directrices des écoles environnantes ont créé un groupe whatsapp et qu’on se bombarde de messages et d’infos à la moindre question. 

La réalité c’est que j’ai appelé ma directrice en jogging 14 fois par jour pendant les premières semaines et que je sais que, elle, elle va décrocher son téléphone, me répondre, me donner des conseils et même se déplacer pour m’aider. 

La réalité, c'est que les formateurs, conseillers pédagogiques et autres IEN ont bien d’autres chats à fouetter que de s’occuper du cas de notre minuscule école de 84 élèves et d’une directrice intérimaire qui va juste tenir la barre pendant 4 mois…

D’ailleurs, je n’ai finalement pas été invitée à la formation des nouveaux directeurs et directrices car elle est réservée à celles et ceux qui font l’année entière. C’est bien connu, quand tu ne fais que 4 mois, tu as la science infuse. 

Bref, tu imagines bien que je ne suis pas tombée des nues en découvrant l’immensité des tâches qui incombent à nos dirlos et dirlettes, le harcèlement dont ils sont victimes par l’administration qui les bombardent de mails et de notes de service à longueur de semaine, les casse-tête qu’ils doivent résoudre pour faire ce qu’on leur demande sans en avoir les moyens humains, matériels ou financiers. Non, je n’ai pas été étonnée outre mesure. J'en profite d'ailleurs pour rendre encore un hommage à ma très chère directrice en jogging en dévoilant l'illustration faitespécialement par Léopoldine Dessine pour mon livre bientôt publié :

C'est joli et c'est parlant, n'est-ce pas?

Donc, oui le quotidien d'un directeur, je ne le découvre pas vraiment et si tu veux en savoir un peu plus tu peux cliquer ici ou là.

Mais il y tout de même une thématique que je souhaiterais partager avec toi Lecteur, Lectrice, et d’autant plus si tu es un Parent. 

Savais-tu que cette semaine, c’était la semaine de la Démocratie scolaire ?

 Non ?

Tu n’as pas vu cette belle affiche ?

Peut-être pas. 

En revanche, si tu es parent, tu as forcément reçu par courrier ou dans le cahier  de liaison de ton enfant, une enveloppe contenant elle-même une autre enveloppe, une ou plusieurs listes de noms et une magnifique notice d’utilisation.

La démocratie, c’est quelque chose de très important. J’y suis très attachée et les valeurs qui y sont associées sont fondamentales pour notre société. 

Mais je vais mettre les pieds dans un plat déjà bien chargé. 

A l’école, il n’est pas rare que les parents n’en aient absolument rien à cirer d’être impliqués. Et bien souvent, les enseignants peuvent être en galère pour trouver un parent par classe prêt à se taper les réunions, même uniquement trois fois par an, et  surtout la préparation que ça implique si on veut vraiment recueillir les remarques et ressentis de tous les autres parents. 

Alors les candidats ne se bousculent pas au portillon. 

Cette année, ce fut mon cas : malgré des affiches mises dès la rentrée sur les panneaux de l’école et un mail envoyé à l’intégralité des parents de ma petite école de 84 enfants, je n’ai réussi à mobiliser que 5 mamans dont 3 m’ont bien précisé qu’elles le faisaient pour rendre service si jamais personne d’autre ne se proposait.

Une seule liste donc comprenant 4 titulaires et un suppléant. 

Une seule liste et pourtant : 

132 enveloppes imprimées et distribuées. 96 récupérées ensuite par les collègues chargés d’y inscrire la date et l’heure. Puis, le jour J, 96 ouvertures de petites enveloppes bleues contenant forcément, sans aucune surprise, les noms des seuls et uniques candidats. Et, bien sûr, il y a des règles à respecter: une commission électorale doit se tenir, il faut bien comptabiliser les nuls, remplir des tableurs, faire remonter tout ça à la hiérarchie pour qu’elle fasse bien comme il faut ses jolies statistiques. 

Du papier, du temps, de l’énergie. 

La loi Rilhac créant la fonction de directrice ou de directeur d'école a été promulguée en décembre 2021. 

Dans le texte initial, on prévoyait de dispenser les écoles de l’organisation des élections lorsqu’une seule et unique liste était présentée. Cela dans le but d’épargner aux directeurs et directrices une tâche chronophage, surtout en ce début d’année scolaire forcément bien chargé. 

Lever de bouclier à l’Assemblée !!

 Quoi, comment ?  Mais c’est une atteinte à la démocratie que l’on porte là !!! Ne sait-on pas que cette semaine de la démocratie scolaire est un temps très fort pour les enfants et les parents ????!!!! Que c’est  l’occasion pour des parents de découvrir la démocratie ?!!!??!!! Cela prend du temps ? Et bien tant mieux !!!!! Il s’agit de cohésion sociale !! Non, nous ne laisserons pas cet amendement passer !

Voilà, voilà, voilà.  Et donc du coup:

Je ne t’en dis pas davantage sur ma façon de penser :

j’ai pas trop le temps en ce moment, désolée.

C'est manifestement le sujet phare du moment pour notre cher Jean-Mich-Mich...

La circulation du Covid dans les écoles, collèges, lycées ? Non.

La distribution de capteurs de CO2, de masques, de tests ? Non. 

Le dernier nouveau protocole en date qui dit qu'on ne ferme pas, enfin si on ferme, ah ben non en fait on teste seulement, mais on teste deux ou trois fois, une fois de suite et puis une autre fois sept jours plus tard et on fait école en présentiel et en distanciel enfin l'un ou l'autre ou les deux en même temps on sait pas trop ? Oui un peu. 

Mais le vrai vrai sujet phare du moment: celui qui agite les rouages du cerveau de notre bon ministre et qui soulève une vague de questions bien ciblées par les journaleux c'est: 

L'ABSENTÉISME DE CES SALETÉS DE FEIGNASSES D'ENSEIGNANTS

Pas l'absence hein...

Pas simplement l'absence d'une personne malade, atteinte du COVID ou autre...

Pas non plus l'absence de quelqu'un dont l'enfant serait malade...

Encore moins celle d'un enseignant dont les heures de formation sont prévues PENDANT ses cours et pour qui le ministère n'a pas de remplaçant.

Non, non, on vous parle d'ABSENTÉISME, cette chose abjecte très certainement validée par ces salauds de médecins qui distribuent à tour de bras des arrêts maladies à leurs potes enseignants dans le but de détruire de l'intérieur ce système abominable sur lequel repose l'école publique. 

Heureusement pour le peuple: Jean-Mich-Mich a LA solution !! Recruter des contractuels

et faire revenir sur le terrain des retraités!

Tout va bien on vous dit ! Tout est sous contrôle...

Dans cet article (clique ici), je te parlais du désarroi des enseignants face aux changements incessants d'orientation et de directives émanant de la sphère dirigeante.

Lorsque Jean-Mich-Mich est arrivé à la tête du ministère, les enseignants étaient loin de se douter que la barre de l'absurdité serait si haut placée. A sa décharge, gérer le gros bateau pendant une telle crise sanitaire n'est certes pas une mince affaire et les enseignants sont loin d'être d'accord entre eux: il y a ceux pour qui fermer les écoles serait la pire chose à faire, ceux qui pensent qu'on nous met délibérément en danger et ceux qui ne savent vraiment plus du tout à quel saint se vouer.

Nombreux sont ceux en tout cas qui ont vraiment cru que la fermeture totale des écoles en mars 2020 allait permettre enfin de se rendre compte de l'intérêt de l'école publique et d'ô combien est précieuse notre éducation pour toutes les générations. Sûrement les mêmes naïfs qui ont pensé qu'on allouerait davantage de moyens à l'hôpital public ou qu'on tiendrait compte des avertissements des écologistes...

Mais notre Jean-Mich-Mich n'en finit pas de nous étonner. Au plus fort de ce qu'on appelle la 5ème vague, il a trouvé le moyen de damer le pion à tous ses prédécesseurs réunis en terme d'incohérence... Sa dernière trouvaille en date: ne plus fermer les classes mais exiger des tests négatifs de tous les enfants si un cas est positif me laisse sans voix... 

Un véritable génie...

De nombreuses voix souhaitent la mise en place de système d'aération efficaces. Qu'ils ne s'inquiètent pas !!

BLANQUAIR est là !!!

Depuis quelques jours et cette annonce incroyable mentionnant une pénurie de professeurs en France, l'ami Jo et moi tentons de percer les mystères d'un tel cratère par une enquête approfondie dans les milieux de l'Education Nationale. Au cours de nos investigations, nous ne nous attendions pas à tomber sur une telle découverte: 

C’est incompréhensible.

Vraiment.

INCROYABLE !

Je ne peux tout simplement pas penser que cela soit la vérité...

Savais-tu, Lecteur, que l’on compte de moins en moins de candidats aux concours d’enseignants? Et en revanche de plus en plus de démissions???

C'est du moins ce qu'affirment certains médias

ICI, ICI ou LÀ

Et, sincèrement, moi je ne comprends pas...

Pourtant avec tant de temps libre, entre les 45 semaines de vacances et les 17 jours de grève par an, ce métier offre tout le loisir de s’adonner à ses passions! 

Et puis la rémunération est exactement à la hauteur de l’investissement de départ, du temps d’études et de la qualification des enseignants.

Normal, en même temps, on ne confierait pas l’éducation des enfants à des personnes mal formées, mal payées et méprisées, ce serait comme si la nation se tirait une balle dans le pied ! 

En outre, l’atmosphère quotidienne et le climat de travail sont tellement propices à l’épanouissement professionnel! Le travail d’équipe, le soutien de la hiérarchie, la dotation de moyens pédagogiques utiles et efficaces, le nombre d’élèves par classe permettent aux enseignants de se sentir si utiles à la société ! C’est un tel plaisir de pouvoir faire progresser tous nos élèves en n’en laissant aucun au bord du chemin, en incluant chaque individu tout en tissant ces merveilleux liens qui font le collectif.

Non, vraiment, je ne comprends pas pourquoi la France manque d’enseignants…

... nous, on veut juste protéger les gens qu'on aime...

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