Sujet du bac philo 2019 spécial Mélusine :

la grève enseignante a-t-elle encore de l’avenir ?

Allez, pas de suspense pour toi cher Parent, cher Enseignant,

ma réponse est : 

Cependant, en tant que titulaire du baccalauréat série littéraire (obtenu en l'an 2000, quand ce diplôme avait encore une certaine valeur, enfin j'me comprends), je développerai ma réponse en 3 parties afin de bien t’expliquer comment moi, Mélusine, fille d’ancienne militante de la CGT, en suis venue à penser que les enseignants ne devraient plus faire grève.

Précisons que je suis bien la même personne qui expliquait ceci il y a quelques semaines et je t’assure que ces deux articles ne sont ni incompatibles, ni contradictoires.

Le premier point ressemble à  une fable bien connue de tous : celle du garçon qui criait au loup. Mais si tu sais : les villageois ont tellement l’habitude de l’entendre qu’ils ne réagissent même plus à ses cris d’alerte.

Tu ne vois vraiment pas où je veux en venir ?

Bon alors je précise: en ce moment, les pompiers sont en grève et je lisais avant-hier sur un groupe Facebook de profs une publication qui disait grosso-modo :

« Je ne comprends pas, quand les pompiers font grève, l’opinion publique les soutient, alors que nous, les profs, on nous déteste toujours ».

A peine avais-je retranscrit ces paroles à mon pompier de mari que sa réaction fusa : « ben, c’est p’têtre parce que nous, on ne fait pas grève tous les ans. »

Et force est de constater que, chais pas toi Lecteur, mais personnellement, je n’ai pas vécu UNE SEULE ANNÉE  sans qu’il y ait un mouvement de grève dans l’Education Nationale.

Alors peu importe que le loup soit bien réel, que les conditions d’enseignement se dégradent, que la garantie d’égalité des chances soit totalement bafouée, que l’Etat se désengage progressivement de l’école publique...

 ...les villageois ne croient plus ces enseignants qui crient sans arrêt au loup.

D’autant que ce qu’entendent beaucoup les villageois, et il s’agit de mon deuxième point,  c’est que le garçon a surtout peur que le loup ne le mange à lui, peu importe ce qu’il advient de ses petits moutons.

Soyons honnête : depuis des années, les principales revendications des enseignants mises en avant par les médias concernent les salaires et les retraites.

On dirait un peu le sketch des Inconnus :

- PRIMO : NOUS VOULONS UNE REVALORISATION DES SALAIRES...
- DEUXIO : UN RÉAJUSTEMENT SALARIAL.
- ET TRIMO : UNE AUGMENTATION.

Je ne peux pas parler pour les autres et je sais que certains
enseignants sont dans une situation vraiment limite mais mon salaire mensuel  est de 2 000 euros (13 ans d’ancienneté et la prime d’enseignante spécialisée).  C’est certes moins que les enseignants d’autres pays du monde.

Mais c’est toujours plus que mon amie éducatrice spécialisée, ou que celle aide-soignante, sans parler de l'assistante vétérinaire ou des pompiers de certains départements.

On ne peut pas faire de généralités et je déteste ça. Il est bien évident que tous les enseignants ne sont pas uniquement préoccupés par leur propre confort. Qui pense que les enseignants qui n’ont pas rendu leurs notes du bac et sont prêts à s’asseoir sur 15 jours de salaire l'ont fait pour avoir une augmentation ou défendre leur retraite? Ils l’ont fait pour dénoncer un système qui pourrit depuis des années, pour tenter de protéger l’égalité des chances et dénoncer une énième réforme qui continue de tuer le service public.

J’admire ces enseignants-là.

Je conchie ceux qui disent : « augmentez-nous de 150 euros par mois et on vous laissera passer les réformes qui vous chantent ».

Le troisième point est emprunté à l’ami Coluche:

si faire grève changeait quelque chose,

il y a longtemps que ce serait interdit.

Et on ne peut que constater que la grève enseignante est devenue non seulement inutile mais aussi stérile, voire contre productive. Ce qui a pu fonctionner formidablement par le passé, dans les années 30 ou 60, a très peu de poids aujourd’hui. Nous, les enseignants, avons perdu cette bataille, achevés sous Sarkozy par la loi sur le service minimum. A part énerver les parents, qui devraient être nos partenaires du quotidien, la grève ne nous sert plus à grand chose, reconnaissons-le.

MAIS, cela ne veut bien évidemment pas dire qu’il faut cesser de lutter et ma copie se terminera bien sûr par une conclusion avec ouverture.

En conclusion, je dirai donc que la grève ne peut pas être et avoir été. Le pouvoir de grève est mort, vive la grève !

Il nous faut changer d’armes.

Le dernier bras de fer opposant Blanquer aux profs « preneurs d’otage de copies du bac» repose sur un instrument que le premier semble manier à la perfection, en tout cas bien mieux que les syndicats enseignants : la COMMUNICATION.  La majorité des gros médias est orientée, je pense que personne ne peut le nier.

Je ne crois plus en la grève, c’est ma réalité, mais je crois en revanche en la désobéissance civile. Je pense que c’est cette arme-là qu’il nous faut apprendre à manier au quotidien. L’article 1 de la future loi Blanquer, ne faisant que réaffirmer un devoir de réserve vieux de plusieurs années, est selon moi le premier que nous devons bafouer. J’en parlais déjà là. A notre petite échelle d’enseignants, nous ne disposons bien évidemment pas des moyens de médiatisations du gouvernement. Mais le gouvernement est là pour 5 années... alors que nous, Enseignants, en avons jusqu’à 40 devant nous.

Quatre à cinq jours par semaine pendant 37 semaines par an, nous sommes au contact des parents, bien souvent, nous sommes parents nous-mêmes et comptons parmi nos amis des parents.

C’est sur eux, quotidiennement et goutte à goutte que nous pouvons agir.

C’est eux qui doivent se battre aux côtés des enseignants pour la défense du service public.

Je crois profondément en la valeur des enseignants, ne privons pas nos élèves, ne serait-ce qu’une journée, de notre présence. Profitons de chaque occasion pour informer les parents et pour former les enfants.

Apprenons-leur à réfléchir

et à désobéir.

#etreetrester

#colibri

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