• Garde de nuit...

    On dit de Marilyn Monroe qu'elle portait uniquement quelques gouttes de Chanel numéro 5 pour dormir...

    Je ne sais pas quelle est l'essence du parfum que les profs portent... mais voici ce qu’une Marilyn a écrit et m'a autorisée à diffuser dans cette rubrique... Merci à elle. Vraiment. 

     

    « Quelle époque!
    Tout est lourd, lourd de sens, de désillusions, de non dits, de trop dits, de blessures, de chagrin et de colère.

    Ce métier n’était pas mon premier choix, pour ma famille il manquait de panache.
    Et pourtant dès que j’y suis entrée j’ai su que je l’exercerai avec passion.
    Je l’ai su dès que j’ai commencé mes études (école normale à cette époque de dinosaures ) et que j’ai éclaté de rire devant les pitreries d’une autre dont j’ai su immédiatement qu’elle serai mon amie.

    Je l’ai su dès que j’ai rencontré certains formateurs qui m’ont donné l’envie, oserais-je dire la “foi”?

    Je l’ai su dès que j’ai croisé le regard de mes premiers élèves, des petits de maternelle, regard attentif, inquiet, curieux, plein de questions et de promesses.

    Je l’ai su dès que j’ai rencontré ma première directrice, pourtant sévère et exigeante, mais intelligente et engagée.

    Je l’ai su dès que j’ai rencontré mes premières collègues ( désolée, en maternelle il y a peu d’hommes mais ceux qui y sont sont mes héros), passionnées et intègres.
    L’une d’elle est devenue mon amie pour la vie.
    Avec elles j’ai appris le travail d’équipe, la solidarité, la ferveur.

    Je l’ai su dès que j’ai rencontré ma deuxième inspectrice ( j’ai très peu connu la première), celle qui m’a fait confiance, celle qui m’a fait rencontré des chercheurs ( en linguistique) avec qui j’ai participé à un travail aussi riche qu’intense.
    Celle aussi qui m’a obtenu une dérogation pour passer le CAFIPEMF (de l’époque) parce que je n’avais pas l’âge requis.

    Je l’ai su dès que j’ai intégré une école d’application, apprenant à faire cours chaque jour devant une quinzaine d’IEN, d’enseignants, de formateurs, m’obligeant à donner le meilleur, à écouter les conseils, à encaisser les critiques, à me remettre en question , à échanger, à m’instruire, à avancer.
    Je l’ai su dès que j’ai commencé à recevoir des stagiaires , à assurer des formations ( initiales et continues) et que j’ai découvert le plaisir de transmettre à mes pairs, de les motiver, de les encourager, de les mettre sur le chemin.
    Ça ne s’est jamais démenti.
    J’exerce ce métier avec passion et j’espère expertise.
    J’ai formé des générations d’enfants et d’enseignants.
    Je suis toujours investie et curieuse. Je continue à chercher pour améliorer ma pédagogie et m’adapter à ces nouvelles générations d’enfants qui plus que jamais ont besoin de nous.

    J’en vois déjà qui se disent “elle est gentille elle, elle vit dans le monde des bisounours.”
    Ils se trompent.

    Si je n’ai aucunement perdu le goût d’enseigner, de transmettre et cette magnifique impression d’être à ma place, utile à la société et de faire des choses qui ont du sens, j’ai perdu toute foi en l’institution.
    Longtemps j’ai été très loyale.

    Ça ne m’a pas empêchée de participer au fil des ans à des grèves, de développer un regard critique et de m’indigner devant des réformes bâclées, ineptes et inutiles.
    Mais la plupart du temps j’ai été loyale.

    Seulement je n’en suis plus là.
    Maintenant je suis révoltée, je refuse de voir ce beau métier humilié, démoli par des gouvernements successifs qui n’ont aucun respect pour nous, aucune considération.

    Je refuse de voir mes collègues directeurs souffrir chaque jour un peu plus de leurs conditions de travail , de leurs tâches ingrates, de leurs multiples responsabilités qui n’ont aucun sens ( qui peut prévoir un plan en cas d’attaque terroriste?)

    Je refuse d’assister impuissante à la lente agonie de mes collègues enseignants, qu’ils soient PE ou profs, qui ont perdu tout repère, toute direction, privés de formation, noyés dans des réformes imbéciles dont la seule constante est de ne jamais être soumises à leur expertise.

    Je refuse de voir nos collègues contractuels servir de Kleenex à l’Education Nationale, sans formation, sans connaissance du terrain, jetés dans la fosse devant un public qui ne laissera pas une chance aux plus désarmés.

    Je refuse de voir sacrifier tous ces enfants que l’on nous confie. Ils sont sacrés, ils devraient recevoir le meilleur.

    Sacrifiés parce que leurs parents eux-mêmes vivent l’enfer pour garder leur emploi ou l’enfer de ne pas en avoir et que certains enfants vivent de ce fait près de 11 heures en collectivité, dès leur première année ( crèche puis école maternelle, parfois avant leur 3 ans).
    Sacrifiés parce qu’en perte de limites, de repères, entre éducation bienveillante mal comprise, laxisme ou peur de les contrarier ( les fameux enfants rois qui n’y sont pour rien mais qui sèment comme un poison leur comportement inadapté à l’école et au vivre ensemble).

    Sacrifiés à donner envie de vomir ces enfants atteints de handicap dont on a fait croire aux parents qu’ils avaient tous leur place à l’école.
    Parce que tout le monde sait dans le monde enseignant qu’il s’agit seulement de faire des économies sur leur dos et que rien n’est prévu pour leur accueil.
    Manque de moyens ,enseignants non formés au handicap, accompagnants en nombre désespérément insuffisant et pas plus formés fabriquent un cocktail qui donne la nausée.

    Depuis que j’enseigne j’ai dû voir défiler une dizaine de réformes.
    On sait qu’il faut une dizaine d’année pour qu’un réforme soit intégrée et effective.
    Quelle blague!
    À marche forcée, sans notre adhésion, on n’a même pas le temps de comprendre qu’on nous demande de passer à une autre, si possible sans aucun lien avec la précédente ( voir les programmes de la maternelle de 2015, impulsés par une grande dame que j’admire beaucoup, Viviane Bouysse totalement démolis dans leur essence par Blanquer).

    On est à bout de souffle, au bord de la rupture.
    On a la fièvre et on ne nous soigne pas.
    Alors ça empire, ça s’insinue partout, on se transmet la maladie.
    On a tous les mêmes symptômes.
    Certains en sont déjà morts, nous laissant comme des orphelins qui entre chagrin et colère découvrons terrifiés que ça pourrait nous arriver.

    Ce que nous savons mais que l’opinion publique ignore c’est que les murs de l’Ecole ne tiennent que grâce à nous, les forces vives, à genoux de colère mais pas couchés.

    Nous sommes les victimes, pas les coupables, victimes d’un système injuste et inadapté qui broie les bonnes volontés.
    Les gouvernements successifs et particulièrement le dernier nous méprisent , nous maltraitent, refusent de nous écouter, de nous aider, de reconnaître notre mal être, notre perte de sens du métier.

    Ils nous ont tellement appauvris que même faire grève pour lutter devient compliqué pour tous.

    Alors merci à vous tous qui vous indignez, dans le fracas ou en silence, à vous tous qui résistez, dehors ou chez vous en partageant des publications, à vous tous qui luttez, à vous tous qui ne lâchez pas la certitude qu’une autre route est possible et que nous méritons tous mieux, enseignants, enfants, parents, société toute entière.

    Soyez fiers, vous êtes des héros, vous êtes des sentinelles. »

     
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