• Quand j'étais petit, je rêvais d'être astronaute...

    ... nous, on veut juste protéger les gens qu'on aime...

     

     

     

     

     

    Ce matin la maîtresse a pleuré en classe…

     

    Incapable de retenir ses larmes.

    Incapable de garder sa position neutre d’adulte referente.

    Incapable d’écouter ce qu’ils avaient à dire sans se laisser envahir par l’émotion qui montait au fur et à mesure.

     

     

    Parce que ce matin, quand je suis arrivée à l’école, j'ai lu ce que quelqu’un, un parent sûrement, un de mes partenaires du quotidien, du terrain, avait écrit sur le portail de l'école: 

     

     

    Parce que tous les élèves sont passés devant,

    parce que, bien évidemment, je ne pouvais absolument pas l’ignorer et parce que, même si ce n’était pas au programme du jour, il me semblait vital de leur donner la parole à ce sujet.

     

    Aujourd'hui, après seulement deux semaines d'école sans masque, ils doivent les remettre et je ne savais même pas comment leur en parler... Moi qui me sens coupée en deux, qui déteste ces masques mais qui n'ai ni le courage, ni la conviction profonde qu'il faille vraiment s'y opposer parce que la vérité, c'est que je n'en sais strictement rien, ne pouvais plus repousser cette conversation nécessaire...

     

     

     

    Alors au lieu de la séance d’histoire on a fait un atelier philo, comme on en fait habituellement une fois par mois environ.

     

    Et je les ai donc laissés s’exprimer librement en introduisant la séance de cette façon:

     

    «  Comme vous le savez, à partir d’aujourd’hui, le masque est à nouveau obligatoire pour vous aussi: le nombre de contaminations liées au Covid-19 a augmenté et le gouvernement a donc renforcé les mesures pour lutter contre.

    Je suppose que vous avez vu en arrivant

    ce qu’une personne a écrit sur le portail.

    En respectant les règles habituelles du remue-méninges (que tu peux télécharger si cela t'intéresse) ...

    Télécharger « Règles et principes du remue-méninges.pdf »

    ...vous pouvez vous exprimer sur les sujets suivants : le port du masque et la notion de danger »

     

     

    Durant ces ateliers philo, mon rôle consiste uniquement à faire passer le bâton de parole et  me rapprocher de l’élève qui parle afin d’enregistrer ses propos.

    Je n’interviens absolument pas et je me contente d'expliquer éventuellement des mots ou des concepts puis de restituer leurs paroles à l’écrit quelques jours plus tard, me gardant bien de donner mon avis et de risquer d'influencer le leur. 

     

     

    Cette fois-ci impossible de garder cette posture de neutralité pourtant inhérente à l’exercice.

     

    Car, au fur et à mesure du tour de classe, entendre ces enfants de maximum dix ans évoquer les désagréments du masque:

     

         boutons       forçage sur la voix         gêne pour respirer

     

    ne pas voir le sourire des copains                 avoir mal aux oreilles

     

                                            avoir de la buée sur les lunettes

     

    TOUT EN LES TEMPÉRANT SYSTÉMATIQUEMENT PAR LES REMARQUES SUIVANTES:

     

    Moi, mon grand-père est malade et s'il attrape le Covid il va mourir.

     

    C'est embêtant c'est sûr mais si ça permet de ne pas contaminer les gens qu'on aime c'est pas grave.

     

    On va pas se mentir, c'est agréable pour personne, mais tout le monde doit faire des efforts, c'est comme ça.

     

    On peut se dire que ça tient chaud en hiver au moins...

     

    Moi j'aime bien l'idée de protéger des gens qu'on connaît pas.

     

    Je pense qu'on a tous envie de le jeter par terre pour toujours mais c'est pour le bien de tout le monde alors on essaie d'être nombreux pour se protéger.

     

    Le masque il est là pour nous protéger et protéger d'autres gens.

     

     

    Et, pendant quelques secondes, je suis restée sans voix, incapable de contenir cette boule qui était montée dans ma gorge en les écoutant. 

    Mais la maitresse ne peut pas laisser des larmes couler de ses yeux sans expliquer le pourquoi du comment à ses élèves qui s'interrogent...

     

    Alors je leur ai dit que j'étais vraiment désolée qu'ils aient cela à vivre...

    ...désolée qu'on leur inflige tous les désagréments du masque...

    ...désolée qu'on leur impose des gestes barrières.

     

    Et je leur ai dit aussi que je les admirais profondément, que je les trouvais très grands et très raisonnables et qu'ils montraient qu'ils avaient un vrai souci du collectif...et qu'ils avaient raison de réagir comme cela parce que, qu'on soit d'accord ou pas d'accord, qu'on soit en colère ou pas en colère, dans cette situation précise on n'a pas le choix. 

     

    C'est en tout cas le sentiment que j'ai depuis des mois: ne pas avoir le choix, moi qui affirme pourtant régulièrement que dans la Vie on l'a toujours, le choix...

     

    Moi qui me sens tiraillée et coupée en deux depuis tant de temps, voir ces enfants emplis de tant d'abnégation, de sens du collectif, d'une résignation qui m'effraie autant qu'elle force mon admiration, ça m'a, l'espace d'un instant, tellement sciée que les deux parties s'en sont finalement presque réunies...

     

    Je ne suis pas sûre de grand chose, je navigue à vue, comme beaucoup, et je fais juste du mieux que je peux au quotidien, mais je suis sûre d'une chose: l'insouciance qu'on est en train de voler à cette génération-là, conduira soit à notre perte soit à l'émergence inespérée de futurs adultes enfin capables de diriger le monde dans la bonne direction...

     

    Quand j'étais petit, je rêvais d'être astronaute...

     

     

     

     

     

     

     

     

         

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